Affaire BEATLES : l’atteinte à une marque renommée implique de démontrer préalablement l’existence d’un lien avec le signe contesté
L’arrêt rendu le 31 janvier 2024 par la Cour de cassation est l’occasion de rappeler la méthode d’appréciation du lien de rattachement entre les signes, étape préalable pour déterminer l’atteinte à une marque renommée (Cour de cassation 31 janvier 2024 n° 22-20.293, lire la décision).
Exposé des faits et de la procédure
L’affaire opposait :
- La société APPLE CORPS LIMITED, titulaire de la marque de l’Union Européenne BEATLES, enregistrée pour divers produits et services dont les « disques sonores »
- Le déposant d’une demande d’enregistrement de la marque française THE BEATLES pour désigner des produits et services très variés.
La société APPLE CORPS LIMITED estimait que cette demande d’enregistrement portait atteinte à ses droits, du fait de l’intense renommée dont bénéficie la marque BEATLES.
Elle a formé opposition à l’enregistrement de la marque THE BEATLES, invoquant l’atteinte à la renommée de sa marque antérieure.
Le directeur de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) a rejeté son opposition par décision du 16 février 2021.
Par un arrêt n° 21/09159 du 15 avril 2022, la Cour d’appel a approuvé la décision du directeur de l’INPI.
Le 31 janvier 2024, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel et rappelé les points suivants.
L’obligation d’appliquer la méthode globale pour apprécier le « lien » entre une marque antérieure renommée et une marque postérieure
Rappelons que la renommée d’une marque est démontrable par un faisceau de critères, tels que la part de marché détenue par la marque, l’ancienneté de l’usage, l’importance des investissements réalisés pour la promouvoir.
En l’espèce, le directeur de l’INPI et la Cour d’appel estimaient que la renommée de la marque BEATLES pouvait uniquement être reconnue pour « les disques sonores », à défaut pour la requérante de rapporter la preuve de la renommée pour les autres produits et services.
La marque BEATLES bénéficiait donc d’une protection élargie du fait de cette renommée, c’est à-dire étendue à des produits et services différents de ceux désignés dans l’enregistrement.
Pour apprécier si une atteinte à la marque renommée est caractérisée, il est rappelé la condition préalable de l’existence d’un « lien » entre les signes en cause.
Le public pertinent doit pouvoir effectuer un « rapprochement entre le signe et la marque, c’est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu’il ne les confond pas ». Il n’est donc pas exigé que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe contesté soit tel qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion. « Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque » (CJCE, 23 octobre 2003, Adidas, C-408/01).
L’existence de ce lien entre la marque antérieure renommée et la marque postérieure doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (CJCE 27 novembre 2008, Intel, aff C-252/07), notamment :
- Le degré de similitude entre les signes en conflit
- La nature des produits ou services en cause, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ainsi que le public concerné
- L’intensité de la renommée de la marque antérieure
- Le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure
- L’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public
En l’espèce, la Cour d’appel a estimé que « la forte similitude des signes en conflit et l’intensité de la renommée de la marque BEATLES pour les disques sonores ne suffisent pas à caractériser le lien de rattachement » avec le signé attaqué THE BEATLES, puisqu’il « doit en outre, être tenu compte, à titre de facteur pertinent, de la nature des produits ou services en cause et de leur degré de proximité ou de dissemblance ainsi que du public concerné ».
A défaut de démontrer ce lien de rattachement entre les signes, la Cour d’appel a donc estimé qu’aucune atteinte à la marque renommée BEATLES ne pouvait être caractérisée.
La Cour de cassation a toutefois censuré l’analyse des juges du fond, estimant que le lien entre les signes ne pouvait être écarté du seul fait de la forte différence entre les produits et services en cause.
Au visa de l’article L 711-3 du Code de la propriété intellectuelle, elle a estimé que la Cour d’appel n’a pas recherché si, « nonobstant la différence des produits et services en cause, le public pertinent n’était pas conduit, compte-tenu de l’intensité de la renommée de la marque BEATLES pour désigner les disques sonores, de son caractère distinctif élevé et de la forte similitude des signes en présence (…) à faire un lien entre cette marque antérieure et la marque seconde THE BEATLES pour une partie au moins des produits et services pour lesquels cette marque avait été déposée ».
En d’autres termes, selon la Cour de cassation, la forte différence entre les produits et services peut être compensée par une forte similitude des signes, l’intensité de la renommée de la marque et son caractère distinctif élevé.
L’application de la méthode globale impliquait donc de tenir compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, appréciés dans leur ensemble, afin de déterminer l’existence du lien entre les signes.
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